Les femmes chorégraphes à l’honneur grâce au jeune ballet de Lyon

Bonjour à tous et bienvenue sur Master Danse. Aujourd’hui, nous allons vous présenter le spectacle « Femmes chorégraphes » par le jeune ballet de Lyon. Et oui, je dis bien nous car nous serons 3 à écrire cet article : Anne et Gilles vous parleront des pièces qu’on a pu voir pendant cette soirée, tandis que je vous résumerai une discussion que j’ai pu avoir avec les danseurs à la fin du spectacle. C’est en fait une compilation de 5 pièces chorégraphiées par des femmes qui ont marqué l’histoire de la Danse. Je nomme : Carolyn Carlson, Sasha Waltz, Xenia Wiest, Anne Martin et Sharon Eyal. La représentation a pris place dans le théâtre de la ville de Saint-Rémy-lès-Chevreuse en banlieue parisienne.

IF TO LEAVE IS TO REMEMBER

Créée en 2006 par Carolyn Carlson

If to leave is to remember; tel est le titre de la première danse interprétée par la troupe des jeunes danseurs du CNSMD de Lyon. Je choisis de commencer mon évocation quelques secondes après l’ouverture du rideau, là, dans le fond de la scène à droite, une table blanche, devant et à gauche, deux rectangles rouges accolés, disposés verticalement et de 3m de haut. Cela pourrait être une fenêtre, ou encore une porte, ou encore plus mystérieusement, un passage… Tout démarre par ce qui semble être le jeu de deux garçons autour d’une table, les corps se poussent, les corps s’effleurent, ils s’attirent et s’éloignent tour à tour dans des mouvements qui ne laissent pas une seconde de répit aux spectateurs que nous sommes. Puis une nouvelle table est amenée à gauche, derrière le cadre rouge, les danseurs et danseuses prennent alors possession de la scène dans des gestes plus introspectifs, mais aussi plus interactifs, on se touche, on s’ausculte presque, puis on se sépare à nouveau grâce à des ‘’phrases’’ habitées, presque exacerbées. Les tableaux vont ainsi se succéder, tantôt intimistes, tantôt vers le groupe orientés. Des tableaux remarquablement bien portés par ces jeunes danseuses et danseurs aux talents certains. Même si on a senti ci et là quelques gestes moins incarnés, cette troupe nous a permis de voyager dans l’univers de Carolyn Carlson. Cette troupe nous a permis de voyager dans cette chorégraphie qu’elle a créée pour évoquer dit-elle la séparation, la rupture ; et pourquoi pas ensuite, le passage vers autre chose…             

FANTASIE

Créée en 2006 pour le ballet de l’Opéra de Lyon par Sasha Waltz

Dans cette pièce, il s’agit d’un dialogue artistique avec la musique de Schubert : cette Fantaisie en Fa mineur pour piano à quatre mains est remarquablement bien illustrée par une danse tantôt joyeuse tels des papillons virevoltants, tantôt sensible par une communion entre les êtres mais toujours pleine de légèreté et de fluidité au rythme des notes familières de Schubert.

J’ai moins accroché à cette pièce émotionnellement parlant mais ai trouvé très agréable de se laisser bercer par cette Fantaisie de Schubert.

ASHES

Créée en 2010 pour la Batsheva Dance Company par Xenia Wiest

Il existe des spectacles pour lesquels on a hâte de se mettre derrière son clavier pour les retrouver, pour les narrer ; ‘’ASHES’’ en fait partie. Cette chorégraphie de Xenia Wiest se prête merveilleusement bien à une interprétation par des jeunes artistes. Il me semble en effet que cette œuvre néo-classique prend toute sa dimension quand elle confiée à des corps aussi jeunes, à des talents (car il faut bien parler de talent dans ce cas) aussi verts, aussi vierges. Une pure grâce que ces instants sur pointes, sur néo-pointes devrais-je dire, des instants sur lesquels il est difficile de mettre des mots sans prendre le risque de les dégrader. Ne voulant pas prendre ce risque, j’invite simplement tous ceux qui le peuvent à aller voir ASHES interprété par ‘’les jeunes de Lyon’’, un grand moment en vérité.     

DANSER LES OMBRES

Création 2019 d’Anne Martin pour le jeune ballet du CNSMD de Lyon.

Le rideau s’ouvre sur un rond de lumière dans lequel un groupe de danseurs vient se placer, en vêtements de tous les jours. Une musique très contemporaine démarre et les danseurs tentent d’accorder leurs mouvements au rythme haché et dissonant des violons. Certains, pas à l’aise visiblement, essayent de s’échapper du cercle mais se font rattraper par les autres dans une bienveillance autoritaire. Puis des duos se forment, essayant de s’apprivoiser, avec drôlerie ou brusquerie mais toujours dans une interaction physique proche et originale dans la manière d’enchevêtrer les corps. Enfin le groupe se reforme après que chacun ait pu s’exprimer librement; l’apaisement est enfin là et nous aussi pouvons enfin souffler tant cette quête, de soi avec soi, et de soi avec les autres, est intense. J’ai beaucoup aimé, j’ai été touchée par cette façon de traduire le passage d’un certain conformisme subi au choix d’être ensemble dans le respect de ses différences. L’universalité de cette quête d’être soi rend cette danse très accessible et en fonction de notre parcours, peut se révéler très cathartique.
Une fois de plus, ces jeunes danseurs, techniquement très bons, ont su s’approprier le message et nous le faire passer.

BILL

Pièce créée en 2010 pour les danseurs de la Batsheva Dance Company par Sharon Eyal & Gai Behar

Tout de suite nous sommes happés par l’effet hypnotique des silhouettes vêtues d’un justaucorps intégral de couleur chair et maquillées, visage et cheveux, d’une cendre blanchâtre avec les yeux rehaussés de verres de contacts d’un bleu éclatant. Un à un les personnages évoluent, chacun dans un style propre, avec beaucoup de fantaisie ce qui nous met dans une gaieté joyeuse. Puis la troupe se reconstitue et se défait sur fond de rythmes palpitants, ponctués des cris perçants et gutturaux. Finalement chacun trouve sa place dans ce cocktail tribal. La neutralité des costumes se prête bien aux jeux de lumières primaires, jaune, bleu, rouge.

Les interprètes du jeune ballet de Lyon sont tout simplement magnifiques et vont bien au-delà de la maîtrise technique; ils réussissent à nous maintenir proches d’eux pendant toute la durée de la pièce en nous absorbant dans ce va et vient lancinant et puissant à la fois. Les costumes contribuent à cette proximité de l’âme et de la physicalité de chaque danseur.

Personnellement, j’ai été captivée et impressionnée par ces jeunes talents. Cette pièce m’a touchée car cette force physique rendue vulnérable par ce dénuement fait écho à une de mes valeurs les plus chères, l’humilité. 

Ce qu’en pensent les danseurs

Au moment de saluer, un jeune homme se retire pour aller chercher une feuille de papier. Sur celle-ci se trouve inscrit son discours à propos de la réforme des retraites car la jeune troupe a décidé de nous faire passer un message qu’ils jugent nécessaire. Ils ne sont pas en accord avec la loi sur la réforme des retraites; ils expriment leur soutien à tous les danseurs, ceux de l’Opéra et ceux en intermittence. Pour finir, ils ajoutent que cette réforme est une manière d’arrêter de subventionner la culture.

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En les questionnant après, j’ai senti une réelle compréhension de la situation et une analyse très juste de leur part. Ils cherchent à savoir, à la manière de Germain Louvet dans le Monde, si la création et l’art est possible dans un monde où les danseurs sont contraints de penser à leur avenir et à leur reconversion. Car en effet, on ne peut pas danser de manière professionnelle jusqu’à 64 ans. Pour en savoir plus sur ce qui va concrètement se passer, vous pouvez lire mon article sur le sujet.

La question de la pénibilité prend tout son sens pour nous. On ne peut pas danser sur scène jusqu’à 60 ans ! Le système actuel assure l’excellence : on se donne à fond jusqu’à 42 ans, on consacre vingt-cinq années à la danse, on le fait car on sait qu’après on aura une assise financière pour trouver une ­deuxième vie professionnelle. La danse ne vaut rien sur un CV. Pour quelqu’un qui est entré à l’Opéra à 18 ans, ce n’est pas évident de reprendre des études. La question de la reconversion n’est pas un choix pour nous, mais une obligation.

Germain Louvet dans le journal « le Monde »

Les jeunes danseurs demandent un statut et une pension leur permettant de consacrer chaque seconde de leur vie à leur art. On ne peut pas danser à moitié. On le sent, la danse, c’est quelque chose de viscéral, de senti et on ne peut pas danser à 100% si on doit se préserver pour sa fin de carrière. C’est du moins ce que j’ai compris de notre discussion. Tous les danseurs vont voir leur situation se précariser davantage.

J’ai ensuite abordé la question du féminisme en leur demandant ce que cela représentait à leur yeux (le spectacle « Femmes chorégraphes »). Cette fois-ci, c’est une jeune danseuse qui a pris la parole.

Cette cause leur est chère, mais « ce ne sont que des interprètes ». Par cela je veux dire qu’ils trouvent les travaux chorégraphiques qu’ils dansent très intéressants et qu’ils sont contents de les mettre sur le devant de la scène. Mais ce ne sont pas eux qui portent cette cause féministe, ils sont simplement des messagers. En revanche, ils trouvent important de « mettre leur travail sur le devant de la scène et de montrer qu’elles existent. »

Deux mots sur leur parcours et sur leur compagnie : ils sont en fait en quatrième année au conservatoire national supérieur de danse de Lyon (CNSMDL) et ils sont donc membres du jeune ballet de Lyon. En effet, dans cette formation, la quatrième année représente : « [une année de] transition entre l’apprentissage et la vie professionnelle, les étudiants de quatrième et dernière année des sections classique et contemporaine sont mis en situation professionnelle par le biais de leur participation à la vie du Jeune ballet. » Pour faire simple, ils interprètent des pièces de grand(e)s chorégraphes en tournée dans toute la France. C’est une des formations les plus riches au Monde, et l’existence même de cette organisation en est la preuve.

Ils sont très satisfaits de l’enseignement qu’ils y ont reçu et ont même ajouté : « c’est vraiment une chouette formation ! »

En bref, ce sont de superbes interprètes, qui dansent des pièces sublimes, créées par d’incroyables chorégraphes, au féminin. Je vous recommande chaudement de les suivre et je vous laisse un lien juste ici pour consulter les dates de tournée.


Voilà, c’est tout pour cet article, n’hésitez pas à faire vos retours en commentaire et à vous abonner à notre Newsletter.

J'ai 17 ans et je suis un danseur. Je me forme actuellement pour devenir professionnel et je suis toujours en quête de plus de rencontres et d'expériences. J'aimerais vous faire partager sur ce blog, mes expériences et mes ressentis vis à vis du monde de la Danse.
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