Réforme des retraites : les danseurs en difficulté

La retraite des danseurs, parlons-en ! Non pas en reprenant une énième fois la vidéo du lac des cygnes sur le parvis de l’opéra, mais en faisant une analyse de la situation (sûrement incomplète au vu de la complexité du sujet), en abordant les statuts des danseurs, la retraite actuelle et son évolution avec la réforme. Je ne manquerai pas évidemment de vous donner mon avis.

Vivre de la danse n’est pas une tâche facile. Du moins en tant qu’interprète. Il existe 2 grands statuts pour les danseurs : les intermittents du spectacle et les contrats en CDI. L’Opéra et la Comédie Française sont les deux seules institutions bénéficiant d’un régime spécial. 

Les CDI se font de plus en plus rares en France et sont principalement proposés par des centres chorégraphiques nationaux ou des opéras. Il n’y en a que 480 dont l’Opéra de Paris qui en plus du contrat en CDI garantit une retraite à 42 ans. 

Les autres se débrouillent, ou du moins ils essayent, décrochant des contrats à droite et à gauche pour comptabiliser les heures d’une intermittence.

La reconversion, incontournable pour tout danseur au delà de la quarantaine, est d’autant plus difficile pour les intermittents. Les plus inspirés deviennent chorégraphes, les autres deviennent professeurs, par choix ou par obligation. Et c’est, je pense, à ce moment là qu’on commence à apercevoir deux types de professeurs, comme décrits dans mon article sur les méthodes d’enseignement dans la danse classique. Mais je m’égare… 

Abordons maintenant le vif du sujet, à savoir les retraites.

Il y a donc 3 catégories de régime,

  • L’Opéra de Paris bénéficie d’un régime spécial qui permet aux danseurs de partir à 42 ans, avec une pension plus que raisonnable compte tenu de l’âge de départ. Ce qui change : Le régime spécial est supprimé et les retraites s’organisent autour de l’âge pivot à 64 ans. Le montant des pensions sera légèrement augmenté.
  • Les danseurs en CDI ne verront aucune modification sur leur retraite, ou du moins pas plus que pour les autres domaines. Un débat existe sur la mise en place ou non d’un indice de pénibilité pour leur permettre de partir 2 à 4 ans plus tôt… Mais rien de gagné à l’heure ou j’écris cet article. Je vous tiendrai au courant sur les réseaux sociaux…
  • Les artistes et les techniciens intermittents du spectacle connaissent déjà des carrières très souvent chaotiques, qui se traduisent par des retraites très basses. Le nouveau système de retraite par point est très défavorable à tous les précaires. Dans le système actuel, on calcule la pension à partir des 25 meilleures années (comptées en trimestres). Dans le système à points envisagé par le gouvernement, les points sont « accumulés » tout au long de la carrière, pendant 42, 43, 44 ans ou plus… Les mauvaises années ne sont plus « lissées » par le calcul ! Les périodes de chômage non indemnisées vont peser à la baisse encore plus lourd que maintenant. Même avec seulement 5 mauvaises années sur toute une carrière, c’est 12% de baisse minimum. Pour les plus précaires, cela pourrait aller jusqu’à 70% de baisse ! Pour les périodes “travaillées”, la retraite est calculée à partir de points obtenus avec les cotisations retraite. La valeur d’acquisition du point est de 10 euros ; 1 point est accordé pour 10 euros cotisés. Et un point vaut environ 0,55 euros… Les périodes “non travaillées” donnent droit à des points de solidarité. 1 point de solidarité aura la même valeur qu’un point cotisé. Du moins en apparence car, si je touche une indemnité chômage, mon salaire sera à ce moment là, nécessairement au plus bas de ma carrière. Et comme désormais, même les pires années sont comptées, ce nouveau système fera forcément diminuer la pension des retraites. En bref, ce nouveau système est évidemment en défaveur des intermittents qui se verront amputés de 10 à 70% de leur pension par rapport à aujourd’hui. En comptant les périodes de non-travail et les mauvais trimestres, mieux vaut commencer à économiser. Je vous conseille de consulter ce site si vous voulez anticiper et économiser pour votre propre retraite.

Pour résumer, ce système va encore augmenter les inégalités entre les intermittents et les danseurs en institution. Il va aussi renforcer la précarité des plus précaires. Concernant les danseurs de l’Opéra de Paris, ils perdent leurs privilèges.

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Dans un contexte actuel qui pousse les compagnies à la production de spectacles “qui font vendre” (en savoir plus dans notre article sur “l’industrialisation de la danse”), cela ne va que renforcer cette dynamique qui ne pousse plus vraiment à la créativité mais plutôt à la rentabilité. 

Ce que je proposerais comme alternative

Premièrement, je supprimerais les régimes spéciaux de l’Opéra de Paris, compte tenu du fait, que comme les autres danseurs, une reconversion est possible. Cette institution pourrait aussi s’organiser en interne pour créer des caisses de retraite privées, financées par des grands mécènes. 

Deuxièmement, je ne toucherais pas les retraites pour les danseurs en CDI. Je préconiserais plutôt d’arrêter de supprimer des postes en CDI dans les CCN ! (CCN = centre chorégraphique national) 

Et enfin, créer une retraite plus juste pour les intermittents du spectacle. Par exemple, continuer de calculer leur retraite sur uniquement leurs années travaillées et ajouter des points de pénibilité permettant de calculer un âge juste de départ à taux plein. 


Ce sujet, très polémique, risque d’en faire réagir plus d’un, alors n’hésitez surtout pas à laisser vos retours en commentaires.

J'ai 17 ans et je suis un danseur. Je me forme actuellement pour devenir professionnel et je suis toujours en quête de plus de rencontres et d'expériences. J'aimerais vous faire partager sur ce blog, mes expériences et mes ressentis vis à vis du monde de la Danse.
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3 commentaires pour “Réforme des retraites : les danseurs en difficulté

  1. Ce ne sont pas des privilèges, c’est normal d’avoir des régimes spéciaux car tout le monde n’a pas le même travail. Il faut plutôt révaloriser la place de l’artiste dans la société et élargir les « privilèges » à tous les danseurs.ses professionnels (intérmittants, en cdi etc.). Une retraite à 42 pour des artistes qui nous ont laissé tout sur la scène , leur âme, leur jeunesse et nous ont nourris de leur art est juste. Cette retraite justqu’à 42 ans leurs permettent de se convertir sereinement . Et tous les danseurs.ses professionnels devraient y avoir droit.
    C’est un enjeu politique, sociale, humain, qu’elle type de société voulons nous? Quelle place pour les artistes du spectacle vivant ? Salutations

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