La place de la danse dans la société

Dans cet article, j’aborderai quelques éléments de réponse à cette question sans prétendre à une vérité absolue ni à une exhaustivité mais simplement pour encourager les réflexions et échanges sur le sujet.

Il fût une époque où la danse était un signe de richesse, de réussite sociale. Il fût une époque où seuls « les nantis » pouvaient aller au théâtre… Mais cette époque appartient-elle vraiment au passé ?

En regardant l’évolution du prix des places des spectacles entre 2006 et 2012, on peut voir une augmentation moyenne de 7%. C’est plutôt énorme, sachant que le prix moyen était déjà de 30€ en 2006. Si on restreint notre recherche aux spectacles de danse, on voit que les pièces coûtant plus de 60€ représentaient 10% du total en 2006, contre 18% en 2012. Ce sont les données les plus récentes mais on peut affirmer sans trop de doutes que cette tendance n’a fait que croître.

Le prix des spectacles est une chose, mais certains d’entre vous me diront que ce sont les moyens de consommation qui ont changé avec internet et que de ce fait, l’inflation est due à une fréquentation en baisse. Mais c’est faux ! La fréquentation des spectacles vivants a augmenté de 15% en 2017. Mais alors pourquoi les spectacles sont-ils plus chers ? Une raison en est le prix de location des salles spécialement en région parisienne qui a énormément augmenté.

Il faut également parler d’une répartition très hétérogène des spectacles et des événements culturels sur le territoire. En effet, 50% des représentations sont situées en Île de France, dont une majorité au sein même de la capitale.

Aller voir un spectacle de danse, ce n’est plus la classe…

Et oui, comme le dit Thierry Malandain (retrouvez mon interview ici), beaucoup de gens n’ont qu’un seul contact avec la danse, et il faut que ce soit le bon. Demandez autour de vous, et vous vous apercevrez que la majorité de votre entourage n’est jamais allé voir de la danse, où bien que la seule fois où il(elle) y est allé(e), il(elle) n’a pas accroché.

Traitons tout d’abord du premier point : « Plus personne ne va au spectacle ». Il est vrai que les pièces de danse ne sont pas les spectacles vivants les plus en vogue en 2020. Est-ce la faute des chorégraphes qui ne s’adaptent pas assez à la demande ? Peut être… mais une chose est sûre : on ne peut pas accuser les spectateurs. S’ils ne vont pas au théâtre, c’est qu’ils n’y sont pas encouragés ou bien qu’ils sont freinés. Soit par le prix, soit par un manque de médiation culturelle. La danse est vraiment un art « muet » (et dans tous les sens du terme…). Personne n’en parle; quand on parle d’art, de culture ou encore de sport, la danse ne ressort quasiment jamais parmi eux. La danse est vraiment à part, et c’est au spectateur d’aller chercher l’information, car personne ne la lui apportera. Tant de freins peuvent expliquer une fréquentation moins importante des spectacles de danse comparée aux « booms » des autres spectacles vivants.

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Parlons du second point : « Je n’ai pas accroché ». Les styles de danse les plus répandus sont le classique et le hip-hop (du moins chez les non initiés). Je ne vais pas m’avancer sur ce deuxième style car je m’y connais assez peu. Je pourrais simplement dire que son moyen de consommation favori reste la vidéo et que les rares « battles » sur scène ne ciblent qu’un public très précis. En revanche, pour ce qui est du classique que je connais assez bien, il existe un grand décalage entre le langage traditionnel du ballet et le public d’aujourd’hui. Les grands ballets classiques datent de la période romantique et de celle des ballets russes des XIX-XXe siècles (pour une piqûre de rappel, il y a toujours notre série de podcast sur l’histoire de la danse). A cette période, on allait à l’opéra pour se faire voir. Et se faire voir est une chose, mais bien se faire voir en est une autre… Tous les spectateurs connaissaient sur le bout des doigts un code bien défini, appelé la pantomime. Car s’exprimer sans parler, c’est pas gagné. Alors, on a défini des mouvements qui correspondaient à des mots pour mieux s’y retrouver. Mais aujourd’hui, tout a changé. A part quelques personnes qui veulent briller en haute société, plus personne ne connaît ces règles, ce qui rend la compréhension des ballets difficile, si ce n’est impossible. Combien de fois ai-je entendu dire à la fin du « Lac des Cygnes » : « je n’ai rien compris » où encore « c’était qui celle en noir ? ». On passe à côté de 90% de la chorégraphie si on ne fait pas l’effort d’apprendre ces quelques gestes de pantomime.

Et la danse contemporaine ? La majorité du temps, ce style est vraiment inaccessible. En effet, le premier contact que le spectateur a avec une pièce est son esthétique. Or, en danse contemporaine, on s’essaye à des recherches sur le fond, l’intériorité et la poésie des mouvements. Autrement dit, le spectateur novice pourra se demander ce que font tous ces danseurs à se jeter par terre, sans trouver le beau, alors que le chorégraphe visualise des dauphins sauter dans l’eau. La danse contemporaine est inaccessible si on ne dit pas aux spectateurs ce qu’ils doivent voir. Ils s’attendent à voir du beau, du mouvement, car c’est ce qu’on leur a appris à observer. Pour avoir une chance d’apprécier, ils devraient plutôt se laisser transporter par la poésie du mouvement et l’atmosphère de la pièce.

Mais quelque soit le style de danse, savoir apprécier est d’autant plus difficile que les gens voient de façon courante la danse à travers leur écran, pour des clips et des vidéos Instagram… dès lors, comment ressentir la résonance des danseurs ? Ecoutez par exemple le directeur artistique du collectif « la Horde » et vous comprendrez de quoi je veux parler : le lien vers la conférence.

En bref, ce sont donc : le prix des places, la répartition des salles, l’offre des spectacles, les moyens de consommation, la non-communication et encore bien d’autres choses qui rendent difficile l’accès à la danse en live. La danse, ce n’est plus un truc chic, et c’est même devenu une discipline floue, dont personne ne parle vraiment. Comment la qualifier, comment la comprendre et comment l’interpréter ? On n’en parle pas assez… et seule une population issue d’un certain « milieu » se renseigne, du moins assez, pour briller en haute société…


Voilà, c’est tout pour cet article, n’hésitez pas à faire vos retours en commentaire et à vous abonner à notre Newsletter.

J'ai 17 ans et je suis un danseur. Je me forme actuellement pour devenir professionnel et je suis toujours en quête de plus de rencontres et d'expériences. J'aimerais vous faire partager sur ce blog, mes expériences et mes ressentis vis à vis du monde de la Danse.
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Un commentaire pour “La place de la danse dans la société

  1. Bonjour, je confirme que la majorité du temps, ce style (dans contemporaine) est vraiment inaccessible.
    Tout d’abord les commentaires des « initiés », des acteurs (chorégraphe, danseurs, professeurs de cette danse font peur. Exemple : « Angelin Preljocaj emprunte une piste encore inexplorée dans son travail, celle des contes traditionnels d’Asie et révèle le pouvoir « surnaturel » de l’art pictural avec La Fresque ». Qui peut s’intéresser aux contes traditionnels d’Asie ? A qui cela peut-il parler ? A l’évidence presque personne. Les dès sont jetés.
    Une fois j’ai assisté à un spectacle de danse contemporaine. Je me suis mortellement ennuyée. Et pourtant je dois préciser m’être inscrire depuis novembre à un cours de danse en talons. Un truc de filles ! Je peux dire que je prends des cours de danse mais pas que je danse. Nuance ! Le monde de la danse me parait extrêmement compliqué et la non communication me semble être une difficulté majeure. De fait je n’ai aucune culture de la danse et il me semble extrèmement difficile d’accéder à tout cela.
    Cordialement
    Claude

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